Interview

C’est qui, c’est quoi G.Kero ?

G.Kero c’est un surnom que m’a donné un de mes frères. Il m’a vue chanter sur scène dans un bar et il m’a dit on «dirait Gisèle Kérozène ».
Alors il faut que j’explique qui est Gisèle Kérozène » sinon vous comprendrez rien. Gisèle Kérozène, c’est une sorcière dans le court métrage éponyme de Jan Kounen. J’ai quand même apprécié la référence. C’est un court-métrage très drôle où des sorcières font la course sur des ballets volants en se tapant dessus. C’est assez punk, il y a du sang,  mais on n'y croit pas donc ça fait pas peur. C’est assez cartoonesque finalement. J’ai donc appelé mon groupe de musique « Gisèle Kérozène » et quand je me suis mise à peindre sur des t-shirts, je signais « G.Kero » parce que c’était trop long de signer Gisèle Kérosène. G.Kero est donc un surnom que m’a donné un de mes frères, c’est devenu ma signature d’artiste et plus tard le nom de la marque. 

Comment est-ce qu’on passe d’artiste peintre à créatrice de mode ?

Je suis passée de la peinture au vêtement pour m’amuser davantage. C’est très simple. Peindre sur les tee-shirts de mes amis était plus marrant que dessiner des croquis dans un carnet. Je trouve qu'il reste beaucoup de choses à faire dans la mode avec la peinture.

C’est quoi le déclic qui t’a fait passer de la peinture sur toile à la peinture sur T-shirt ?

En 2007 un autre de mes frères, Philippe, était à Rio de Janeiro en voyage. Il cherchait un t-shirt cool mais ne trouvait que des trucs ultra stéréotypés dans les boutiques, genre, l'affiche de Pulp Fiction… il m’a demandé de lui dessiner une jolie fille avec les seins nus, qu’il a ensuite fait sérigraphier sur un tee-shirt basic. Il a pris une jolie photo de lui sur la plage d’Ipanema avec le tee-shirt. C’était l’été au Brésil. Moi j’étais dans mon école d’art à Bruxelles, c'était l'hiver,  il pleuvait, et je m’ennuyais. Je me suis dit pourquoi pas peindre sur des t-shirts ? Quelques mois plus tard j’avais quitté l’école et refait toute la garde-robe de mes amis. 

Avec votre marque, on est dans le t-shirt d'artiste, en quoi est-ce différent d'un t-shirt d'une autre marque de prêt-à-porter ? 

Il n'y a pas de peintres dans ce milieu, il y a des modeux qui s'inspirent de la peinture, qui prennent et collent partout ce qui a déjà été fait. On n'est pas dans la même démarche ! Je peins un tableau en imaginant le vêtement sur lequel il sera le plus fou, plus revendicateur et personnel.

G. Kero respire la joie de vivre, la bohème, avec une vraie légèreté un peu désinvolte. Comment est-ce qu'on conserve cet esprit en passant de la peinture au vêtement ? 

La peinture est une discipline lourde et sérieuse : quand on peint un tableau on est en proie au doute, face à soi, c'est vertigineux ! La mode c'est beaucoup plus léger, on est tourné vers l'autre, on s'applique à le faire beau. Si on a longtemps dessiné pour les murs, dessiner pour quelqu'un est beaucoup plus chaleureux ! La réponse est donc dans la question !

Qu'est-ce qui vous inspire chaque saison ? Des images, des artistes, des thématiques, des animaux, des couleurs de prédilection...?

Je marche sous les sapins au milieu des ours en hiver et dans la mer bleue en été. Je sors beaucoup dans la rue. La création est une réaction épidermique, une émotion plus qu'un projet. Si je dessine une collection d'été, j'aime qu'on se sente en été en la regardant. Les saisons m'inspirent avec tout ce qu'elles aspirent sur leurs passages ! Tout, tout, tout, peut m'inspirer.

Qui sont les filles (et les garçons) qui portent G.Kero ? Des muses (homme ou femme) en particulier ?

Ce sont des gens qui flash sur les dessins. 99 ans, 10 ans, bien portant ou pas, beau gosse ou pas, le dessin est un alphabet universel qui réunit et qui rend tout le monde beau. Je recherche l’harmonie, et pour les différences qu'on a avec les autres on a pas fait exprès, je dessine depuis très longtemps c'est tout ! L'originalité ça ne s'invente pas.

Pouvez-vous décrire une de vos journées de travail type ? Le processus de création et la répartition des rôles de chacun. 

Philippe se lève très tôt et moi je me couche très tard. Je dessine, il met tout ça en musique. Il est le capitaine je suis le vent. Et on ne veut pas toujours aller au même endroit !

Comment sont produites les collections ? Petite série ? Éditions limitées ? made in ? Un mot sur le travail de sérigraphie.

On fait des éditions numérotées et limitées. C’est pas prémédité, c’est la nature du projet. On est petit et confidentiels et je fais beaucoup de dessins. De sorte que même si nous sommes distribués dans 26 pays, et dans plus de 160 villes,  on édite très peu de pièces et donc... peu de chances que deux personnes qui portent le même modèle se rencontrent… et si elle se rencontrent, elles auront certainement quelque chose à se dire !

Vos projets pour le futur, ce qu'on peut vous souhaiter ?

Même si ça marche très bien et qu’on est à 300 % de croissance dans une économie qui fait du surplace, tout est suspendu à un fil tant il est difficile de gérer une entreprise en France dans ce secteur quand on n'est pas millionnaire et qu'on s'auto produit. Les taxes sur le travail assassinent les petites entreprises et la création en France. Nous sommes une marque indépendante il n'y a pas de financier derrière ou de fond de pension américain :). On peut dire que ça relève de l'exploit, de l'exceptionnel, il faut avoir une tendance à
l'héroïsme !